Qui sont les Gardiens de la révolution islamique?
Le corps des Gardiens de la révolution est l’une des institutions emblématiques de l’Iran. Au départ à vocation militaire, les Pasdaran n’ont cessé d’étendre leur influence sur la société iranienne à travers les champs politiques et économiques.
Le décret du 5 mai 1979 créé les « Sepah-e Pasdaran-e Enghelab-e Islami », que l’on appelle souvent directement Pasdaran. Ce corps a pour but de protéger les acquis de la Révolution islamique en luttant contre l’ennemi intérieur et extérieur, en coopérant avec l’armée. En réalité, Khomeini se méfiait de l’armée classique (l’Artesh), restée longtemps fidèle au Shah et ayant été formée par les Etats-Unis. Les Gardiens de la révolution lui permettent d’introduire une dualité dans les forces armées, avec un corps composé uniquement de personnes très pieuses, complétement engagées à la défense du nouveau régime.
La guerre Iran-Irak (1980-1988) est l’occasion pour les Gardiens de s’illustrer et d’augmenter leur emprise sur le champ militaire iranien. En invoquant la « sainte défense » de la république islamique, les gardiens se sont placés en premier rempart contre l’agresseur, structurant le soutien de la nation iranienne autour d’eux. A la fin de la guerre et à la mort de Khomeini (1989), la question de leur rôle se pose. Si le président Rafsanjâni (1989-1997) les cantonne à un rôle politique mineur, il les implique dans la reconstruction du pays. Visant juste au départ à rééquilibrer le budget des Pasdaran et à occuper ses soldats après la guerre, les Gardiens vont progressivement étendre leur implication à tous les champs de l’économie iranienne. Ils contrôleraient aujourd’hui près de 15-20% de l’économie iranienne.
C’est durant la présidence Khatami (1997-2005) que les Gardiens s’affirment au niveau politique. L’agenda réformiste du président effraie les Pasdaran, mais aussi le guide suprême Ali Khameini et les conservateurs. C’est à cette époque que se forge une subtile alliance entre Khameini et les Gardiens, visant à consolider le pouvoir de chacun et à bloquer les réformes progressistes en Iran. C’est enfin avec le président Ahmadinejad (2005-2013), lui-même ancien pasdaran, que les Gardiens vont considérablement renforcer leur pouvoir (nombreux postes ministériels, attributions de nombreux marchés publics, élargissement de leurs compétences).
Toutefois, la participation des Gardiens à des fraudes électorales aux élections de 2005 et 2009, leur rôle actif dans la répression de la « révolution verte » de 2009 a écorné leur image auprès d’une partie de la population. Si dans les zones rurales, les Gardiens sont perçus comme une institution permettant la mobilité sociale et s’investissant dans le développement des infrastructures, ils sont considérés en ville tout d’abord comme les troupes de choc du régime et comme une brigade des mœurs d’orientation très conservatrice. On considère d’ailleurs que les orientations politiques des soldats du rang des Gardiens sont un échantillon représentatif de l’électorat iranien avec toutes ses nuances, réformiste comme conservateur. Toutefois, les officiers supérieurs sont dans leur majorité conservateurs.
En 2013, c’est un conservateur modéré qui arrive au pouvoir, Hassan Rohani. Les Pasdaran sont divisés quant à l’accord nucléaire recherché par le nouveau président. Une faction y voit un intérêt pour accroitre son business avec la levée des sanctions, tandis qu’une partie craint la pénétration étrangère en Iran, confrontant le pays à la concurrence économique.
Aujourd’hui, le corps des Gardiens de la révolution se divise donc en cinq branches : terre, mer, air, milices Bassidj et les forces Al-Qod. Ces dernières, véritables bras armé de la République islamique à l’étranger, agissent sur de nombreux théâtres d’opération (Irak, Syrie, Yémen). Leurs missions se confondent avec celles des forces spéciales classiques et des services de renseignement.
Parallèlement au volet militaire, les Gardiens de la révolution ont donc créé un véritable empire industriel et commercial, couvrant tous les secteurs de l’économie iranienne (construction, télécommunications, énergie). Leur poids économique et militaire en fait un organisme politique au cœur de tous les enjeux politiques iraniens.